• Introduction



    La population de Mondovi, comme celle de toute l’Algérie était composée d’ Espagnol, de  Maltais, d’ Italiens, d’ Alsaciens qui  sont venus se mêler aux Français et aux Arabes. Tous ces gens ont appris à communiquer, en utilisant leur propre langage et un peu de ce qu’ils ont appris  des autres. Cet amalgame verbal a donné naissance dans toute l’Algérie à une langue spéciale que l’on peut appeler «  pataouette » mais qui devient le Bônois quand on est dans la région de Bône..

     

    Cette « langue » n’est pas, cependant, une spécialité régionale. Tout le monde peut la comprendre. C’est un mélange,  de toutes les langues d’origines des Européens avec, en plus, des déformations  qui sont sans doute la conséquence de l’apprentissage orale du vocabulaire utilisé.
    Dans cette langue, par exemple, on ne prononce pas le « V » . On ne va pas « voir », on va « oir ». « Voilà » devient « Oilà »

     Tous les « é » se prononcent de la même façon : « C’est vrai » se dit « c’est vré ». Quant au "o" il n'en existe qu'un que ce soit "cause" ou "chose" ou "rose". Le "u" est parfois transformé en i ou inversement. Ainsi « la figure » devient « la fugure » et peut entrer dans une expression telle que « la honte elle me monte à la fugure ».

    Ces expressions viennent souvent agrémenter les échanges verbaux en allant parfois vers l’exagération.

    Exemple : « Si je me déchire le pantalon, ma mère elle me tue ».

    Ces expressions en nombres font partie intégrante du vocabulaire de tous les jours.

    Exemple : J’ai « tombé la veste » avant de me « taper une sieste carabinée». « J’vous dis pas «  ce que j’ai écrasé ».« Bon ti’arrète mainant », « oublie moi cinq minutes » ou « j’ten donne une que le mur y t’en donne une autre ». « Fais entention » à toi. Ecoute moi « si ti as peur n’a pas peur »

    Salle des fêtes de Mondovi
    La salle des fêtes de Mondovi (Algérie)

    A Mondovi un personnage excellait dans l’utilisation de la langue « Pied noir » : René BUSSUTIL. C’était un amuseur né, toujours prêt à faire rire ceux qui le côtoyaient. Un jour, il eut l’idée d’écrire une pièce en bônois, inspirée de la fameuse histoire de « l’Auberge rouge ». Une pièce c’est fait pour être joué. Après un conciliabule avec ses collègues de travail le projet de jouer la pièce dans la salle des fêtes de Mondovi est mis sur pied. Une troupe est créée. Les dialogues sont dactylographiés autant de fois qu’il le faut sur le dos des bordereaux de réception des tabacs de la Tabacoop, lieu où René joue le rôle d’expert des tabacs de temps à autre…(c’est pour rire…). On utilisera pour cela les machines à écrire du bureau. Les rôles sont attribués. Les répétitions commencent. Chaque séance est une crise de fous rires. La plus grosse difficulté, mis à part le fait de retenir le texte est de s’empêcher de rire en le disant. A force de répétitions l’équipe sent que le moment est venu de passer aux étapes suivantes. D’abord donner un nom à la troupe pour lui faire un peu de publicité : elle sera appelée « Comaedia ». Ensuite organiser la représentation pour la faire connaître. Il faut dans un premier temps créer les décors. Rien de plus facile, dans la mesure où, des artistes font partie des acteurs : les deux frères BAËZA, François et Michel se feront aider par tous les collègues et amis prêts à mettre la main à tout. A la Tabacoop on utilise beaucoup de toile de jute pour emballer le tabac expédié à la SEITA. Le matériau fera très bien l’affaire pour peindre les décors qui seront fixés sur des cadres en bois.  Il suffira de demander l’autorisation à Monsieur Alzeto, le Directeur…si nécessaire…A temps perdu l’équipe de peintres se met au travail. Dès qu’un tableau est fini, il est monté et l’on se met à répéter dans de meilleures conditions. On a comme l’impression que les acteurs sont meilleurs même si on a du mal, parfois, à s’accaparer de certaines expressions spécifiques aux bônois.

    « Bois Coco bel œil mais entention te taffogue, truque ac les amis, c’est moi qui regole » dit Mme Raphaël. Dire la même phrase en espagnol ne serait peut-être pas plus difficile…Mais les répétitions aidant, les acteurs deviennent presque expert en « bônois ». On peut alors envisager d’organiser le spectacle. La salle des fêtes du village a été préparée pour recevoir les spectateurs de toute la région. Tout le village est là, bien sur. Mais il ya aussi des spectateurs de  Barral, Randon, Penthièvre, Duzerville, Bône. Leurs rires sont autant l’illustration de l’appréciation des dialogues  que la découverte des hommes du bled dans un contexte tout à fait particulier. La salle des fêtes est comble. La pièce a un énorme succés. Rires et applaudisssements se succèdent. A la fin, les spectateurs se lèvent pour applaudir à tout rompre les acteurs réunis sur la scène. Le spectacle a un franc succès. 
    Ces manifestations furent à Mondovi autant d’occasions de faire la fête. Il y avait au village une dynamique  dont l’unique motivation était de faire plaisir tout en prenant du plaisir à organiser des réjouissances. Surmonter les difficultés pour arriver au but que se fixaient ces équipes faisait partie du jeu. Il aurait été dommage de laisser jaunir davantage dans un tiroir  (parce qu’il est déjà jaune…) le papier sur lequel est couché le projet.
    Sur les 114 ans qu’a vécu Mondovi voilà le témoignage du fait qu’en 1950, les habitants du village ont connu des moments vraiment heureux qu’il était bon de rappeler. Celà grâce à un homme, BUSSUTIL René, et à une foule de camarades qui ont joué à l'acteur, au décorateur, au régisseur ou à autre chose...